Page:Leo - L Institutrice.djvu/111

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fant, et stipuler de l’argent, l’argent la faisait souffrir. Heureusement Mme Jacquillat se chargea de débattre le marché. Car il fallut débattre. Ernest était paysan. — Et cela dura près d’une heure, au bout de laquelle il fut convenu que la petite payerait cinquante francs pour son institutrice et cent francs pour sa nourriture, plus tant de poulets, tant d’œufs, tant de beurre, vingt livres de porc et un sac de blé. Ernest jura que sa femme le blâmerait de concessions aussi grandes ; puis il partit en promettant qu’on n’aurait pas à se plaindre, et qu’il tiendrait plus qu’il n’avait promis.

Peu de jours après, la petite Rachel était installée chez l’institutrice. D’abord, elle pleura beaucoup, demandant son papa, son chat, une petite bergère qu’elle aimait, et repoussait les consolations, jusqu’à égratigner Sidonie, en échange des caresses que celle-ci lui prodiguait.

— C’est un petit mauvais sujet ! s’écria Mme Jacquillat, qui vit l’enfant dévouée d’avance aux flammes éternelles.

Sidonie elle aussi fut blessée de tant de sauvagerie, mais elle s’efforça de calmer sa mère et de patienter. Elle laissa Rachel tranquille, et se contenta de veiller sur elle. Au fond, elle eût été désolée de ne pas la garder. Elle se sentait attirée vers cet enfant, ou peut-être vers cette enfance. Il y en avait bien d’autres, mais c’était la plus petite, et puis les autres n’étaient là que pour étudier, et avaient ailleurs leur foyer, tandis que voir cette petite créature à table auprès d’elle, et la soigner, entendre la nuit sa respiration, était pour Sidonie quelque chose d’infiniment doux ; elle souffrait