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moins de six ans, on lui en eût donné huit ou neuf. Sa mère le contemplait orgueilleusement, ne s’occupait que de lui, et, pour lui seul, on vit s’allumer dans ses yeux une étincelle de ce feu, qui semblait leur être étranger. L’autre était une fillette de quatre ans et demi, toute maigre, petite et pâle, dont la ressemblance avec Ernest fit battre le cœur de Sidonie. Cela frappa Mme Jacquillat elle-même, qui en fit la remarque. Mais Mme Ernest eut un sourire dédaigneux.

— Elle ! ah pas du tout ! Je ne sais pas comment on peut dire cela. Son père est un bel homme, et elle semble une petite fouine. Je ne sais pas d’où elle vient ; car elle ne me ressemble pas non plus. Après ça, c’est une enfant qui a souffert ; elle est née quatorze mois seulement après son frère, et moi qui ne savais pas… ce gros-là a tété presque tout le temps. Pauvre Loulou ! Ce n’était pas de bon lait ; eh bien, ça ne lui a pas fait de mal, vous voyez, il est si fort !

C’était lui qu’elle plaignait en le regardant avec amour.

— Voulez-vous m’embrasser, mon beau garçon ? demanda Mme Jacquillat, acceptant les priviléges de Loulou.

L’enfant recula d’un geste maussade, et dans ce mouvement marcha sur le pied de sa sœur, qui fit un cri. Là-dessus, il se retourna furieux contre elle et la frappa.

— Oh ! que c’est mal ! ne put s’empêcher de s’écrier Sidonie, en se levant pour arracher la petite aux mains de son frère.

— Que voulez-vous ? dit la mère ; elle est toujours dans ses jambes. Cela l’ennuie, ce garçon.

ANDRE LÉO

(À suivre)