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— Est-ce bien loin d’ici, les Saulées ? demanda Lucien.

— Non ; vous n’avez qu’à descendre le coteau et suivre en bas le chemin à gauche jusqu’au petit pont. C’est après. »

Elle les conduisit à l’entrée d’un sentier sous bois qui descendait au bord de l’Ysette, et offrait çà et là des échappées délicieuses sur le vallon et sur le coteau voisin. Dans ce bois, d’essences mêlées, dominait le hêtre, un des végétaux de nos contrées où la vie circule avec le plus de force et d’éclat. Jonché des faînes de l’année précédente, le sentier craquait sous les pas.

Cécile, jetée tout à coup au milieu des magnificences que déploie la nature dans sa liberté, se livrait à des ébahissements d’enfant, à des joies charmantes. Elle caressait les feuilles du regard, parlait aux oiseaux, répondait par de petits cris, bientôt suivis de frais éclats de rire, au tressaillement du lézard dans les cépées, au brusque vol du merle effarouché, et çà et là cueillait, en s’agenouillant devant elle, ces frêles petites fleurs des bois qui, plus que toutes les autres, nous rendent la délicatesse et la grâce visibles.

Elle marchait la première, et Lucien la suivait, rêveur. Lui aussi ressentait le charme de cette belle nature, mais n’en jouissait pas comme sa sœur. L’ambition de l’artiste le troublait, et il était presque jaloux de cette immense et suprême beauté, qu’il sentait bien ne pouvoir reproduire.

Au sortir du bois, ils tombèrent sur un chemin silencieux, plein d’herbes fines et de mousse, qui