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combien ça peut se payer un portrait comme ça, fait en peinture ?

— De trois cents francs à vingt ou trente mille, mon garçon, ça n’a pas de prix fixé.

— Trente mille ! répéta Patrice.

— Et à vous, monsieur, combien vous le payerait-on ? demanda indiscrètement Deschamps.

— Je suis fâché, répondit Lucien, de ne pouvoir vous le dire ; on ne m’en a pas acheté.

— Je crois bien, dit Mme Arsène ; monsieur n’est pas de ceux qui travaillent pour de l’argent. »

Peut-être Lucien aurait-il dû relever cette phrase, qui lui conférait l’état d’oisif, le plus noble assurément aux yeux de tous ces gens-là, ainsi que le témoignaient le ton de Mme Arsène et le silence respectueux des auditeurs. Il ne le fit pas, en souvenir peut-être de l’échec subi le matin même dans la famille Darbault. Après s’être informé de l’heure à laquelle il pourrait trouver Lucien, Patrice, devenu subitement le héros de la journée, pâle, pensif, partit brusquement, comme s’il eût recherché la solitude pour s’y enivrer de ses pensées.

Invitées à entrer dans la ferme et à se rafraîchir en buvant du lait, Cécile et ses cousines acceptèrent. Celles-ci ne demandaient qu’à passer le temps ; celle-là voulait étudier Rose et son entourage.

Dans la pièce commune où l’on pénétra, tout était propre et en bon ordre ; les meubles luisaient. La grand’mère elle-même venait de faire sa toilette et s’était assise dans un coin embarrassée de sa contenance et surtout de ses mains étendues sur ses genoux et qui semblaient étonnées de ne rien faire.