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rait pas fait venir cela de trois lieues. Ce sont des folies, je le répète, et Lilia n’est pas raisonnable. Ces choses-là et bien d’autres ne font pas aller la maison.

— Que voulez-vous ? dit M. Delfons avec un peu d’amertume ; il faut qu’une femme oisive ait des fantaisies. J’aurais voulu que Lilia m’aidât à soigner mes malades ; mais elle ne veut pas.

— La proposition était séduisante, en effet, répondit Lilia en colère. L’exercice de la médecine rend quelquefois si malpropre et si bourru que j’aurais craint d’en arriver là aussi. Et puis j’admire qu’on me prêche l’économie quand vous faites si mal payer vos visites et que vous voudriez, en outre, me faire distribuer des médicaments et des secours.

— Monsieur Delfons, dit Cécile pour changer la conversation, avez-vous ici beaucoup de pauvres ?

— Beaucoup trop, mademoiselle, et puis d’autres pauvretés, la sottise et l’insouciance. Ces gens-là se laissent mourir bien souvent par pure incurie ; ce n’est pas qu’ils n’aiment à se plaindre ; oh ! l’humanité ne s’en fait faute, et l’on n’entend partout que cela ; mais ils reculent devant dix minutes de soins raisonnables. Il est vraiment extraordinaire de voir combien peu de place l’acte raisonné, logique, a dans nos actions. Tout est pris par l’instinct et par l’habitude. Je laisse toujours mes malades me parler longuement de leur mal ; cela les soulage déjà de moitié ; mais vous dire ensuite la peine que je me donne pour agir sur eux et sur ceux qui les entourent, afin que mes prescriptions soient exécutées… C’est à suer sang et eau !