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d’enfant, ainsi méprisée, faisait mal à voir. Où donc logeait le bonheur dans cette maison-là ? Au salon, évidemment, dans l’idéal du palissandre et du velours bleu, des mélodies nuageuses et des grâces languissantes. Mais ces joies-là ne vivent pas d’elles-mêmes ; elles n’existent qu’en vue de l’étranger, passagères comme lui.

C’était à un amour très-romanesque cependant qu’était dû le mariage de Lilia Darbault et d’Ernest Delfons. La famille du docteur avait d’abord combattu cette union, la jeune fille ayant peu de dot et peu d’espérances, et M. Darbault, blessé de cette opposition, avait fermé sa porte à M. Delfons.

On assurait que Lilia, désespérée, avait alors songé au suicide ; on l’accusait aussi d’avoir entretenu, à l’insu de sa famille, une correspondance avec son amant, et l’on citait Rose Deschamps comme l’intermédiaire de ces amours. Il est certain que depuis le mariage de Mme Delfons, Rose était traitée en amie par les deux époux, et qu’on la trouvait fréquemment chez eux, car Mme Delfons l’occupait à elle seule un quart de l’année.

Il était cinq heures et l’on attendait M. Delfons, qui était allé voir des malades à la campagne, quand Lilia dit avec un peu d’embarras, en s’adressant à sa mère :

« Rose est ici.

— Rose ! répondit Mme Darbault. Comment, tu prends cette fille en journée un jour où tu donnes à dîner ?

— Je ne l’avais pas demandée. Je ne comptais sur elle que pour après-demain ; mais se trouvant