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que, saisie de douleur et d’étonnement, elle eût pu répondre autrement que par des sanglots.

Lucien avait repris à grands pas le chemin des Grolles. Ses propres blessures, la douleur qu’il laissait derrière lui et celle qu’il allait porter à sa sœur le déchiraient à la fois. Il était cependant satisfait de la conduite qu’il avait tenue ; mais le tumulte de ses pensées le jetait dans une grande exaltation.

À mesure qu’il se rapprochait de la maison, il pensait surtout à Cécile et à Louis, qu’il trouvait bien coupable et bien ingrat, et il se disait amèrement que les hommes en ce monde semblent ne vouloir à aucun prix du bonheur et ne poursuivent que leurs propres rêveries.

« Après tout, se dit-il, peut-être Louis n’a-t-il ainsi répondu à M. Darbault que pour ne pas s’expliquer avec lui ? Peut-être, en ce moment, parle-t-il à Cécile ? »

Il regrettait d’arriver, soit de peur de les interrompre, soit de peur d’avoir à expliquer à sa sœur l’absence de Louis. Son pas en était devenu de plus en plus lent, quand, passant au-dessous de la lucarne d’une grange attenante à la ferme, et qui bordait le chemin, il entendit une voix plaintive entrecoupée de sanglots.

Dans la disposition d’esprit où était Lucien, cela le frappa davantage, et il s’arrêta pour écouter.

« Il y a longtemps que j’ai senti que tu ne m’aimais plus, disait la voix ; mais je ne croyais pas encore, non, je n’aurais jamais cru que tu me le dirais à moi-même.