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pour les Loubanais jusqu’à ne mettre ni robe de soie ni châle de dentelle quand elle traversait les petites rues boueuses de la localité.

Pour comble, malgré l’attente générale, et malgré les convenances, elle n’avait pas même paru à la fête donnée par le maire, son oncle. Il fallait bien lui rendre mépris pour mépris, et les femmes, ces anges de douceur, du moins par état, y mettaient la dent plus fort que les hommes, je ne sais pourquoi.

Une imprudence nouvelle, plus grave que toutes les autres, vint donner plus de consistance aux méchants propos. Louis s’arrangea avec la fermière des Grolles, sa sœur de lait, pour vivre chez elle jusqu’au moment où il pourrait vivre chez lui. C’était presque habiter avec les Marlotte, et les trois amis ne se quittaient guère en effet.

Au milieu des témoignages réciproques et incessants d’un amour qui sans cesse grandissait en eux, Cécile et Louis étaient trop délicieusement absorbés pour songer à l’opinion des indifférents ; la jeune fille, dans sa retraite des Grolles, ayant oublié l’existence de ces inconnus qui s’occupaient d’elle, se croyait à l’abri du monde. Louis, dont l’adoration pour elle était si profonde, qu’elle contenait son amour et lui enlevait toute espérance, n’eût jamais deviné que l’opinion publique le favorisât plus que sa propre imagination n’osait le faire. Ne recevant aucune réponse de son père, et après la publication de ce scandaleux mariage, il avait dû vaincre sa répugnance pour l’emploi des moyens légaux, et avait saisi le tribunal de sa demande.