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idée, va, et monsieur mon fils en verra de belles. Envoie-moi chercher Deschamps. »

Huit jours après, au prône du dimanche, et au milieu de la stupéfaction générale, le curé de Loubans proclamait une promesse de mariage entre Jacques Anselme du Ris, marquis de Pontvigail, âgé de soixante-cinq ans, veuf de Marianne Balmet, domicilié aux Saulées, d’une part, et Rose Deschamps, âgée de vingt-deux ans, fille majeure et légitime de Pierre Deschamps et d’Henriette Sical, demeurant aux Maurières. — Les parties n’ayant point acheté de bans, deux autres publications devaient avoir lieu, ce qui portait à quinze jours de là, environ, la célébration du mariage.

Ce fut un grand bruit de ville, et les commérages de Loubans atteignirent ce jour-là une intensité révolutionnaire. On s’indignait d’un tel mariage ; on se moquait du vieillard ; quelques-uns voulurent plaindre Rose, mais le plus grand nombre la honnissait. On accusait à la fois les Deschamps, les Pontvigail et les jeunes Marlotte ; on fit cent contes enfin, et le nom pur de Cécile passa par toutes ces bouches au milieu des ricanements.

Il est vrai que la bourgeoisie de Loubans avait une revanche à prendre vis-à-vis de cette jeune fille. Quand ils s’attendaient à être éblouis par le luxe et les grands airs de la Parisienne et initiés par elle aux secrets du grand monde, quand ils espéraient enfin vivre quelque temps sur une pareille bonne fortune, ils n’avaient rencontré qu’une jeune personne mise très-simplement, et qui non-seulement refusait de faire des visites, mais poussait le dédain