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Gothon avait certainement droit à une récompense, et M. de Pontvigail avait cru la lui donner en prenant sa nièce pour belle-fille, d’autant mieux qu’il désespérait de faire épouser une autre femme à son fils ; mais cette combinaison avait manqué, et maintenant Gothon en insinuait une nouvelle qui n’était nullement du goût de son maître, car elle pensait à se faire elle-même épouser. Ce jour-là, au plus fort de la colère de M. de Pontvigail contre son fils, elle y revint.

« Comme cela, disait-elle, les peines que je prendrais ne seraient pas perdues ; vous seriez sûr du moins qu’une partie de votre bien ne serait pas gaspillée après vous, et mes soins ne vous manqueraient point jusqu’au dernier jour ; mais, pour ce qui est de continuer d’user mes vieux os pour l’amour de votre fils, j’y renonce. »

Comme à l’ordinaire, le vieillard accueillit cette proposition en ricanant :

« Gothon, ma mie, je te le répète, ne songe pas à cela ; tes os, comme tu dis, sont trop vieux pour une mariée. Tu n’as pas aujourd’hui moins de cinquante ans, et si je ne t’ai pas épousée jusqu’ici, vois-tu, c’est affaire manquée. Mais nous nous arrangerons tout de même, va, sois tranquille, et ce n’est pas pour mon brigand de fils que nous travaillerons désormais. Je le renie. Et nous aurons, je l’espère, un autre héritier, un héritier de tout ce beau bien, que nous avons si joliment arrondi à nous deux, Gothon. Oui, ma vieille, oui, sois tranquille ; je ne suis pas mort encore. J’ai une fameuse