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assidues aux Grolles, et l’on commençait à en jaser, d’autant plus que Deschamps, à qui voulait l’entendre, représentait l’amour de Lucien pour Rose comme l’effet d’un complot en partie double, dont le but était de conquérir pour Mlle Marlotte un parti riche d’espérances, comme l’était Louis de Pontvigail. « Maintenant que le tour est joué, ajoutait-il, voyez s’il me demande ma fille ? »

Ces explications, bâties sur des apparences, et dans lesquelles l’intérêt joue le rôle du machiniste, sont toujours les mieux acceptées du vulgaire, parce qu’elles en sont les mieux comprises. Déjà Gothon avait soufflé ces bruits à l’oreille de son maître. La lettre de Louis, datée des Grolles par son commissionnaire, et confiée à celui-ci par l’entremise de Lucien, devenait une preuve éclatante du complot formé par le frère et la sœur. La haine du vieux Pontvigail n’en demanda pas davantage.

« Ah ! c’est celle-là qu’il veut épouser ! s’écria-t-il. Une Parisienne ! une demoiselle à diamants et à falbalas ! une de ces filles qui font danser les pauvres écus ramassés à grand’peine par la sueur des pères ! Le fou ! l’insensé ! l’ingrat ! le stupide ! Ah ! c’est pour elle qu’il veut me mettre sur la paille ! deux mille francs ! voyez-vous ? Est-ce que je sais où les prendre, moi, deux mille francs ! deux mille francs sur mon revenu, là, chaque année, le prix de quatre juments poulinières ou de deux hectares de bon terrain ! Oui ! oui, je vas lui envoyer ça ! qu’il attende !

— Il pourra vous y forcer, monsieur, dit Gothon, et, puisque votre fils est en train de vous ruiner, il faut que je prenne, moi, mes précautions. Je vous