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ler par vous, jusqu’à l’âge de trente-cinq ans, de toute liberté, de toute satisfaction, de toute vie morale. Dernièrement, enfin, vous avez voulu m’ôter la vie même. C’était peu, j’en conviens, car vous ne m’aviez laissé que cela ; mais cette dernière injustice a tout comblé, et le vase que vous avez rempli d’amertume déborde.

« Je suis donc décidé à ne plus rentrer sous votre toit, et, comme il me faut des moyens d’existence et que l’instruction qui aurait pu m’en procurer m’a été par vous refusée, je réclame la part des biens de ma mère que vous me devez légalement, ou, s’il vous plaît d’éviter tout procès et tout partage, une rente de deux mille francs payable chaque année. Veuillez me répondre au plus tôt, et recevez l’expression des regrets et de la douleur de votre malheureux fils.

« Louis de Pontvigail. »

Lucien fit porter de suite cette lettre aux Saulées par Patrice, qu’il trouva sous sa main. Patrice, à son retour, raconta que M. de Pontvigail était entré dans une épouvantable colère, et, sans autre réponse, l’avait chassé. Il oublia d’ajouter que, interrogé par Gothon, il avait avoué qu’il venait des Grolles, et que la lettre lui avait été remise, non par M. Louis, mais par M. Lucien.

Nos amis en ceci avaient fait une de ces imprudences que commettront toujours ceux dont l’âme droite vit en dehors du soupçon. On avait déjà remarqué l’étonnante intimité du sauvage Louis de Pontvigail avec les jeunes Parisiens, et ses visites