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sation ? répliqua-t-il de plus en plus confondu. J’ai parlé à M. de Pontvigail comme un honnête homme le peut faire, en lui demandant ses intentions, et…

— Et vous savez-bien qu’un rien l’effarouche ! Vous le saviez, s’écria-t-elle avec colère, et vous l’avez fait exprès ! C’est indigne cela ! »

Lucien était devenu pâle comme un mort. Il se leva.

« C’est votre faute, Rose ; il ne fallait pas mentir et me dire que vous m’aimiez, quand au fond du cœur vous vouliez ce mariage. Eh bien ! afin que mon souvenir ne vous soit pas trop pénible, je vais me justifier : M. de Pontvigail m’a juré que s’il avait paru céder un moment aux désirs de son père, ce n’était que pour éviter une lutte ouverte ; mais que son intention (il me l’a énergiquement exprimée) était de ne point se marier. »

Le beau visage de Rose n’offrait plus que le bouleversement de passions ardentes, opposées. L’avidité trompée, l’amour-propre blessé, une sorte de rage, y luttaient avec l’amour et devaient lui déchirer l’âme. Assurément elle souffrait à faire pitié, — mais à d’autres qu’à Lucien.

« Cela devait arriver, dit-elle en paroles entrecoupées. Voilà ma récompense de vous avoir aimé !… Vous me gâtez ma fortune !… Vous perdez mon avenir ! Mon père avait bien raison ; vous ne pouviez me faire que du tort… Ah ! si j’avais cru ce qu’il me disait ! Mais non, je ne pouvais pas ; je vous aimais trop !… Et voilà ce qui m’arrive ! Tenez, je vous déteste !… Hélas ! non ; mais je le voudrais. J’en serais plus heureuse ! »