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Chez Lucien maintenant la stupéfaction dépassait la colère. Cette bague en cheveux était celle qu’il avait lui-même donnée à Rose sept ans auparavant, et qu’elle lui avait dit avoir brûlée, dans son chagrin, croyant qu’il ne reviendrait plus.

Il prit la bague et l’examina. C’était bien la sienne. Il était allé lui-même à la ville voisine pour la faire tresser ; les objets de cette sorte ne se trouvaient point à Loubans.

C’était bien sa bague ; mais il cherchait à douter encore, et toutes sortes d’arguments contradictoires se heurtaient dans son esprit : Marius ne pouvait-il, au lieu de l’avoir reçue, l’avoir dérobée ? — Rose toutefois avait menti. — Eh bien ! elle n’avait pas osé avouer qu’elle avait perdu la bague. Était-ce un grand crime ? — Oui, car le mensonge le plus léger est un crime en amour, et surtout quand il vient confirmer une accusation. — Une accusation odieuse ! oui, odieuse et fausse ! Qu’importaient les rêves de cet adolescent vaniteux, toujours prêt à mettre en relief ce qui pouvait lui donner quelque importance ! Et puis Rose n’était-elle pas libre ? L’année précédente, que devait-elle à Lucien ? — Elle se devait à elle-même de ne pas écouter Marius. Ô tortures !…

— Nous nous reverrons dit Lucien, tout haut, d’un ton qu’il s’efforçait de rendre calme et qui, malgré tout, était menaçant. Je n’attache pas grand prix à des enfantillages que Rose était libre de se permettre avant nos engagements. Mais… j’apprécie toutefois vos motifs. Voulez-vous me laisser cette bague ?

— Elle vous sera remise le jour de votre mariage,