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gaucherie ne faisait qu’augmenter par les malheurs qu’elle produisait. Sa jeune maîtresse la trouva dans les larmes au sujet d’une assiette cassée. Pour avoir laissé tomber un plat elle faillit s’enfuir, et maintenant elle n’osait plus toucher à rien.

Cécile redoubla de douceur et de patience. Il eût fallu la voir, un tablier blanc devant elle, sa jupe et ses manches retroussées, présidant à la cuisine, ou plutôt la faisant elle-même, sous les yeux hébétés de Doucette. Louis de Pontvigail, en venant demander à la bonne s’il pouvait monter, surprit ainsi la jeune maîtresse de la maison et s’arrêta stupéfait. Cécile se mit à rire, et, frottant sur son tablier sa main mignonne, la lui présenta en disant :

« Vous ne dédaignerez pas de toucher la main d’une cuisinière ? »

Louis, n’osant lui dire combien elle était charmante, répondit à peine. Mlle Marlotte retira son tablier, abaissa ses manches, et conduisit elle-même son visiteur dans la salle à manger, au rez-de-chaussée. Là, son doux enjouement et sa simplicité vainquirent la gêne qu’éprouvait toujours cet homme aux habitudes solitaires quand il se trouvait assis en face d’un interlocuteur et chargé de soutenir sa part d’une conversation.

Il s’anima bientôt, s’exalta même parfois ; mais, alors, de lui-même il s’arrêtait, et le sourire indulgent et affectueux de Cécile achevait de lui faire perdre la suite de son discours. Il y eut entre eux plus d’un moment d’embarras, qu’Argus, interpellé, servit à dissimuler un peu ; car Cécile avait voulu que le chien entrât avec son maître, et le noble animal.