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Le lendemain, Lucien rentra maussade et chagrin. Deschamps venait de lui signifier assez brutalement que le portrait devait être enfin achevé, et que ça ne pouvait pas durer de la sorte une année entière.

« Ce n’est pas tout à fait injuste, observa Cécile, car il y a bien longtemps, en effet, que dure ce portrait.

— Nous avons été contrariés par le mauvais temps ; il y a eu des interruptions. Enfin, je ne dis pas ; il devrait être achevé, et je dois même avouer qu’il l’est ; mais dans l’air de cet homme il y avait autre chose : c’était presque un congé qu’il me donnait.

— Lui as-tu déclaré tes intentions d’épouser sa fille ?

— Le voyant si mal disposé, je n’ai pas voulu. Depuis quelques jours il me fait mauvaise mine, je ne sais pourquoi.

— Peut-être désire-t-il au contraire une parole décisive ; car voici bien longtemps que tu vois Rose tous les jours, et cela pourrait faire causer les gens ?

— Pas du tout. Bien d’autres l’entourent, et parmi les paysans la liberté de se voir entre amoureux est chose acceptée. Non, ce n’est pas cela, vois-tu, c’est l’affaire Pontvigail. Rose me l’a dit : on s’imagine que c’est ma présence qui effarouche cet amoureux, déjà trop timide. Tant qu’on espérera de ce côté, on ne m’acceptera point.

— Mais Rose…

— Rose ! s’écria-t-il furieux, Rose ! Je sais bien