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âpre et persistant, des effets semblables à ceux de la haine.

« Il faut vaincre le mal. Il faut réduire la volonté rebelle et coupable. Il faut sauver l’être malgré lui. Dès lors la coercition est donnée pour coadjuteur à l’idée. Le pédagogue, à l’aide de la science, saisit le fouet. Erreur si naturelle à l’esprit humain qu’elle persiste partout encore, bien qu’affaiblie, dans nos lois et dans nos mœurs. Les bûchers religieux ont été la plus haute expression de cette terrible croyance en l’absolu, et le despotisme de la famille en contient les restes. — Mais ici encore le progrès répond à votre désespérance. L’humanité a marché. Donc, toujours, à la place du Satan fantastique, du démon amoureux du mal, nous trouvons l’ignorance humaine, dont les erreurs, les malentendus, les crimes eux-mêmes, sont mêlés à cette poursuite passionnée du beau et du bien, qui fut notre instinct avant d’être notre foi.

« Mais vous reculez épouvanté, indigné, contre la nécessité de tant de maux. Que vous dirai-je ? Telles sont les conditions de notre nature et de notre esprit. Vivant dans le relatif, si ce qui fut autrefois nous semble maintenant monstrueux, c’est que notre sens s’est épuré ; mais alors il ne l’était pas. Moins délicats, moins irritables, moins éclairés, nous avons pu supporter autrefois, tout en souffrant, ce qui nous révolte aujourd’hui.

« Et d’ailleurs, en tout temps, pour aider notre marche et jeter dans la vie la plus sombre quelque rayon, nous avons eu cette force que le cœur prête au cœur, la main à la main, la pensée à la pensée,