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« L’impression des cataclysmes au milieu desquels le monde s’est formé n’est-elle pas encore une tradition parmi nous ? L’homme sort à peine des violences de la vie sauvage et d’une épouvantable misère, et l’on s’étonne que la masse des humains, celle qui n’a guère d’autre éducation que la tradition de ses souffrances, poursuive avidement les biens matériels et s’y livre avec excès ?

« Comment la plupart, d’ailleurs, rechercheraient-ils ce qu’ils n’ont point entrevu ? D’où sauraient-ils ce qu’ils n’ont point appris ? Quel noble but leur est présenté ? Avant d’accuser les masses pauvres, qu’on les éclaire. On a voulu jusqu’ici compter sans elles. Elles s’en vengent, et s’en sont toujours vengées, par ce poids irrésistible dont elles ont entraîné le monde en bas, enrayant sa marche. Dans leur état d’ignorance et d’hébétement, quelles nobles entreprises ne devaient-elles pas rendre vaines ? que d’essors n’ont-elles pas brisés ? Et tant qu’elles seront dans la bassesse, avez-vous droit d’être grand à votre aise ? N’êtes-vous pas de l’humanité ? N’êtes-vous pas de votre époque ? Pouvez-vous prétendre à toutes les joies, quand ils ne le pourraient qu’à toutes les misères ? Montez, planez, enivrez-vous d’idéal ; puisqu’ils ne peuvent vous suivre, il vous faudra retomber, en pleurant votre rêve.

« Là sûrement est la cause de la stérilité de tant d’efforts vers le bien et de l’impuissance de tous ceux qui tentèrent des voies nouvelles. Autre chose encore manquait à ces grandes intelligences, qui furent comme des astres brillants dans la nuit. Le sentiment est contemporain du monde, mais la