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mal et la pâture de la mort. Jetez les yeux autour de vous, et voyez si le mal et la destruction ne sont pas la loi de la vie. La terre n’est qu’un champ de bataille où, de l’homme à la fourmi, tout n’est que ruse, embûche, égorgement et pillage.

« Chaque être est armé pour l’attaque et pour la défense ; chacun vit de proie ; tout s’entre-dévore, et l’homme, dans cette générale boucherie, est cent fois plus cruel que le tigre, qu’il prend pour type de la cruauté ; car nous vivons de leurres que nous nous faisons à nous-mêmes, plaisants si l’on en pouvait rire, et que moi-même aussi j’acceptais autrefois sans réfléchir.

« À présent, le livre m’échappe des mains, ou plutôt je le rejette avec colère, quand mes yeux tombent sur cet ordre admirable de la nature ; ou cette bonté providentielle qui a tout fait pour le bien ; ou l’universelle harmonie ; ou bien encore ces touchants modèles proposés à l’homme par des écrivains sérieux, tels que la société des fourmis, qui massacrent leurs enfants pour le plus grand ordre et intérêt de la république ; la monarchie des abeilles, où les classes laborieuses connaissent et pratiquent si bien leur devoir, et… que sais-je ? L’homme se nourrit de faits et s’habille de mots.

« L’esprit humain, pareil au visage qui le révèle, n’a d’yeux que sur une seule face, ne voit qu’un seul côté de l’objet, et court sur tout ce qu’il aperçoit en criant sans cesse : J’ai trouvé ! Moi aussi, j’ai tendu les mains, j’ai couru vers la justice et l’amour, et j’ai cru qu’ils étaient la loi du monde. J’ai parcouru les villages en prêchant l’égalité, l’associa-