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repas suffiront. Vous aurez ainsi moins de peine. »

Pour obtenir un modèle parfait de la déception, il eût fallu peindre la figure consternée de Mme Arsène. Tous ses plans s’écroulaient à leur apogée, et désormais elle ne pouvait plus se considérer que comme la bonne à tout faire de deux jeunes gens pauvres, disposés à s’encanailler avec les paysans de l’endroit.

C’en était trop pour une personne si délicate et de sentiments si distingués. Aussi Mme Arsène en oublia-t-elle ce respect, mêlé de vénération, dont elle affectait d’entourer Cécile, et, relevant la tête d’un air agressif, toute pâle encore de désappointement :

« Vous auriez dû me prévenir de tout ça ! s’écria-t-elle. Est-ce que jamais j’aurais pu deviner des choses pareilles, moi !

— Je ne me suis jamais crue dans l’obligation de vous rendre compte de mes affaires, » répliqua Cécile d’un ton qui fit baisser les yeux à la chambrière.

Contenue par l’ascendant de sa jeune maîtresse, mais suffoquée de chagrin et de colère, Mme Arsène sortit brusquement.

Cécile, un peu émue de cette scène, mais plus préoccupée de l’entretien décisif que son frère venait d’avoir avec Rose, quitta la maison pour aller à la rencontre de Lucien. Elle suivait l’avenue des châtaigniers qui va du côté de Loubans et des Maurières, en longeant le coteau, lorsqu’elle vit à quelque distance un homme se jeter dans le taillis, et il lui sembla reconnaître Louis de Pontvigail.

« Pauvre sauvage ! se dit-elle ; il ne s’apprivoisera donc jamais ? »