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à faire, puisqu’il l’avait choisie pour instrument de ses desseins.

Il faut le dire, pour rien au monde Mme Arsène ne fût morte avec un secret. Cela était antipathique à la franchise de son âme. L’inspiration qu’elle reçut à l’église fut donc de parler, et de parler à Cécile. Prévenir les Deschamps eût pu sembler une trahison domestique, et, quant à essayer de faire revenir Lucien de ses erreurs, Mme Arsène y avait pensé ; mais son jeune maître avait souvent avec elle une certaine ironie qui la gênait fort.

Elle revint donc au logis en toute hâte, fort surexcitée, et la tête pleine de discours et de projets. Une telle immixtion dans les affaires intimes de ses maîtres l’élevait du premier coup à l’importance qu’elle rêvait la veille, et Cécile, en l’embrassant, en louant sa prudence et sa maternelle sollicitude, allait ce jour même l’affranchir des fonctions serviles qu’elle remplissait, et lui donner cette aide, cette bonne en sous-ordre, dont l’introduction dans la maison élevait immédiatement Mme Arsène à la dignité de gouvernante.

Mme Arsène monta donc chez sa jeune maîtresse, et lui demanda, les yeux baissés et d’un air plein de mystère, un entretien particulier.

« Je voulais aussi, lui dit Cécile, vous parler. Nous sommes convenus, mon frère et moi… Mais d’abord, qu’avez-vous à me dire ?

— C’est précisément à l’égard de M. Lucien que je viens entretenir mademoiselle. Mademoiselle me pardonnera… Je n’ignore pas tous les égards que je dois à la chasteté des oreilles auxquelles mes pa-