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Il ne s’était pas trompé ! ses longues aspirations n’étaient pas vaines. Ils existaient, ces espaces magiques vers lesquels son âme prisonnière avait si souvent pris l’essor ; il y avait en cette vie même des trésors d’idéal, de bonheur et de tendresse ; il le savait maintenant… Mais ce serait assez pour lui de le savoir. Jamais ses lèvres altérées n’effleureraient même le bord de cette coupe. Oh ! pourquoi donc était-elle là, sans cesse, près de lui ? Pourquoi l’attirait-elle d’un si doux sourire ? Pourquoi tendait-elle vers lui ce beau bras et cette petite main ? Hallucination ! ironie ! Comme elle le dédaignerait s’il osait… Comme ces doux yeux deviendraient méprisants… et justes ! Oh ! non, jamais il n’attirera sur lui un pareil regard.

Il restera toujours prosterné devant elle, humblement et à distance. N’est-ce pas encore du bonheur que de croire et adorer ? Au moins il aura d’elle celui-là. Vouloir, oser davantage serait une impiété. Elle, si belle, si jeune, si divine ! lui, flétri par le malheur, vieux, ridicule et laid !

Tandis qu’il se roulait, désespéré, sur sa couche, depuis longtemps la fumeuse lumière qui l’éclairait s’était consumée, et l’aube était venue, puis le jour. Enfiévré par la douleur, la tête brisée, les yeux rougis par ces larmes courtes qui brûlent les paupières, Louis de Pontvigail se leva, ouvrit la fenêtre et tendit son front à l’air du matin.

Il y avait encore autour de la prairie un cercle de vapeurs du sein desquelles émergeaient les peupliers, et qui donnaient à quelques vaches, çà et là, des formes fantastiques, gigantesques. Au loin,