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je n’ai dans la maison aucun droit, aucune influence. Elle, elle a pris sur son sommeil pour me venir en aide, et ce ne peut être que par compassion, car je n’ai pas même un sou à donner à un mendiant. »

Il entra dans sa chambre sous cette amère impression qu’il lui fallait devoir à la pitié d’une étrangère l’entrée de la maison paternelle, et, comme il en avait pris la triste habitude, il voulut approfondir cette amertume et s’en imprégner. Mais d’autres pensées le poursuivaient, d’autres images l’envahirent. Après avoir déposé sa chandelle sur la cheminée de pierre, à côté d’une glace ébréchée, fixée au mur, il s’assit près de son lit, et demeura pensif, les yeux fixes, attachés sur les choses qu’il venait de quitter.

Il revoyait la chambre de Cécile, tout imprégnée du charme de celle qui l’habitait : les grands rideaux de mousseline blanche et les beaux meubles sculptés ; ce jeune homme au front poétique, à la chevelure soignée, au costume simple et gracieux, qui le regardait avec un mélange d’ironie et d’admiration, de bonté et de malice.

Les mélodies qu’il avait entendues bourdonnaient encore autour de lui et détachaient à son oreille leurs phrases les plus expressives ; mais ce qu’il y avait en lui de plus vivement empreint était l’image de Cécile. C’était comme s’il avait eu encore sous les yeux ce doux et fin visage, où tant d’expressions diverses, mais toutes charmantes, se peignaient, et ces beaux cheveux blonds, dont la masse abondante jetait de l’ombre sur ce cou délicat et pur.