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tout près de Louis de Pontvigail, il le saisit par le bras.

Pénétré comme il l’était d’intentions pacifiques, Lucien ne s’attendait à aucune résistance ; mais un cri rauque répondit à sa pression ; une main le prit à la gorge, et il eut à peine le temps de s’écrier :

« C’est moi, Lucien Marlotte ! Que diable ! lâchez-moi ; je ne veux pas me battre avec vous. »

Du côté du piano se faisait entendre un tumulte de notes éperdues, pareilles aux pulsations d’un cœur en détresse.

« Que vous ai-je fait ? dit Louis avec une sorte d’égarement. Pourquoi vous acharner ainsi contre moi ? Voulez-vous donc me tuer ou me rendre fou ?

— Monsieur de Pontvigail, dit gaiement Lucien, je ne voulais qu’une chose, savoir qui était là, et maintenant je veux vous serrer la main. Voyons, il ne faut pas trop m’en vouloir de ma brusquerie. Je vous ai pris pour un maraudeur, et j’avoue que nous avons des intentions égoïstes à l’égard des fruits de ce jardin. Mais que faisiez-vous donc là ? Je parie que vous écoutiez le piano de ma sœur ? N’est-ce pas qu’elle est une excellente musicienne ? »

Les bras de Louis de Pontvigail étaient retombés, et, tout souffrant encore de la brusque transition qu’il avait subie, un tremblement nerveux l’agitait :

« Oui, balbutia-t-il, je passais… j’ai entendu…

— Et vous allez nous faire le plaisir d’entrer pour mieux entendre. Ma sœur sera charmée de vous recevoir.