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trer, à nous venir voir quelquefois ; il comprendra qu’il ne doit plus se cacher, et tu lui feras de la musique à nous trois ; cela vaudra mieux. Je serai d’ailleurs charmé de connaître mon rival de plus près. Laisse-moi faire, et recommence à jouer, je t’en prie. »

Elle consentit, non sans répugnance, et l’idée de la fâcheuse surprise qu’allait éprouver Louis de Pontvigail et de cette sorte de trahison qu’elle commettait envers lui jetait dans son jeu une agitation secrète.

Lucien, sorti par la cour de la ferme, arriva le long des murs du jardin, en cherchant le passage par où avait dû pénétrer Louis de Pontvigail. Il n’avait que l’embarras du choix : les murs écroulés comblaient en plusieurs endroits l’ancien fossé qui les séparait du chemin, et sur ces brèches un épais réseau de lierres et de ronces amortissait le bruit des pas. Lucien pénétra doucement dans le jardin, et revint sur ses pas en se dirigeant du côté de la maison.

La lune, bien que voilée, éclairait les objets à quelque distance ; près d’un arbre, et en face du rayon lumineux qui partait de la chambre de Cécile, une forme opaque, immobile, frappa les yeux de Lucien, qui, pour mieux observer, s’arrêta.

Cette forme était bien celle d’un homme. Tourné du côté de la maison, il semblait absorbé dans une attention extrême, et de temps en temps le souffle d’une respiration profonde, pareille à un long soupir, arrivait aux oreilles de Lucien. Celui-ci reprit sa marche avec des précautions nouvelles, et, arrivé