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heur qui s’offrait à elle, celui-ci, plus élevé dans ses causes et plus profond, attirait Cécile plus fortement. Elle eût, avec toute la légèreté de sa main mignonne, pansé les blessures d’un malade ; mais ces blessures de l’âme, elle y mit tout son cœur. Elle choisissait donc, pour les jouer à cette heure, des morceaux plutôt doux que tristes, où la rêverie n’était point amère et où dominait l’espoir.

Cécile cherchait à relever et à consoler cette âme flétrie ; et, sous l’influence de ce désir, ses facultés perceptives affinées par l’harmonie, il lui semblait voir Louis de Pontvigail comme s’il eût été sous ses yeux, et lire en lui les impressions qu’elle y faisait naître. La communication établie d’elle à lui par la mélodie se complétait de lui à elle par des fils plus mystérieux, mais si bien sentis, que parfois, pour atténuer l’émotion trop vive qu’il éprouvait, elle modifiait ce qui allait suivre. Au bout d’une demi-heure environ, un peu fatiguée, Cécile s’arrêta.

« Vraiment, tu joues avec trop d’ardeur, lui dit son frère en serrant ses mains brûlantes. C’est plein d’âme et d’accent ; tu m’as tout ému. Mais cela t’épuise. Et maintenant me diras-tu quel est ce public dont tu me parlais ?

— M. de Pontvigail, dit Cécile. Il vient ici en se cachant comme un voleur, tous les soirs, à l’heure où j’ai l’habitude de jouer. Depuis que je m’en suis aperçue, mon concert se donne pour lui. Je lui joue des choses qui en même temps le ravissent et le calment. Cela le rend heureux.

— David et Saül, » dit Lucien.

Il ajouta :