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dit-elle, nous allons réformer nos dépenses, je ne demande pas mieux ; mais si tu parles jamais plus de comptes entre toi et moi, je me fâcherai. »

Ils élaboraient ensemble leurs nouveaux plans, quand tout à coup Cécile, comme saisie d’un souvenir, s’alla mettre au piano. La musique parut à Lucien intempestive ; il voulait causer ; aussi vint-il, s’accoudant sur le piano, jeter ses paroles au travers des notes.

« Tais-toi, lui dit-elle en souriant, tu me troubles ; j’ai un public.

— Un public ? répéta Lucien étonné.

— Oui, un pauvre public mendiant, affamé d’harmonie, qui vient ici tous les soirs. Je te dirai cela tout à l’heure. C’est sacré. Retire-toi. On n’interrompt pas Mozart. »

Lucien alla s’asseoir au fond du salon, et Cécile reprit son jeu avec toute la puissance d’expression dont elle était capable quand elle se donnait à l’interprétation d’un maître chéri. Une harmonie saisissante remplissait l’espace ; au dehors, pas un bruit ne se faisait entendre, et, par la fenêtre ouverte, les arbres du jardin, pleins d’oiseaux sous leurs feuilles, semblaient écouter.

Depuis quelques soirs, Cécile ne jouait plus pour elle seule, mais pour cet être souffrant qui avait attiré sa sympathie, Louis de Pontvigail. L’histoire que la fermière avait racontée, la scène de la cabane pendant l’orage, lui avaient révélé des trésors d’énergie et de sensibilité dans cet homme, peut-être bizarre, mais à coup sûr malheureux.

Bonne pour tous, entraînée à soulager tout mais