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cile était calme et réfléchie. Le trait distinctif de son caractère était une absence de personnalité, rare en ce temps-ci. Absence d’excès, voulons-nous dire ; mais ce mot personnalité s’emploie, on le sait, par euphémisme, pour exprimer les prétentions exagérées de l’égoïsme. La personnalité de Cécile, fort décidée en elle-même, cherchait son objet en dehors d’elle, dans les êtres et dans la vie, et s’en tenait là, sans rapporter et soumettre tout à soi. C’est pourquoi elle était comparativement calme, quoique sensible, les aiguillons de la vanité blessée et de l’ambition déçue ne mêlant pas d’amertume et d’irritation à ses jugements ou à ses douleurs.

Physiquement, c’était un de ces types élégants et fins que l’on rencontre surtout à Paris, où tout favorise leur développement. Belle sans beautés bien précises, jolie sans éclat, charmante sans conteste, elle avait cette grâce exquise, ces gentilles façons que l’on reconnaît aux Parisiennes, mais qui chez celle-ci, heureusement, étaient pures de toute affectation et de toute copie. Son père, qui intimement l’admirait, l’avait laissée croître à l’aise sans défenses et sans préceptes, dans sa liberté, et cette heureuse nature s’était guidée elle-même, par des intuitions aussi sûres que de longues méditations. N’aimant point à être remarquée, elle se conformait à l’usage dans les petites choses, mais pour les grandes n’agissait et ne parlait que selon sa raison et ses sentiments. Presque en tous points elle partageait les idées de son père, dont elle recherchait avec ardeur la conversation et qu’elle vénérait comme une intelligence supérieure.