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faire ; mais je suis si abandonnée de ceux sur lesquels je devrais compter le plus que je me décide à m’adresser à vous. »

— Oh ! oh ! interrompit Lucien, c’est quelque chose de grave.

— Aussi je vais lire tout bas, dit Cécile ; car il s’agit peut-être d’une confidence que cette pauvre Agathe ne veut faire qu’à moi. »

Bientôt cependant elle se mit à rire, haussa les épaules et reprit à haute voix :

« Ma chère, vous savez que nous allons avoir le sous-préfet, et que nous donnons à cette occasion un dîner suivi d’un bal. Toutes ces dames ne sont occupées que de leur toilette, et je sais que Mme Coquendron a fait venir sa robe et sa coiffure de Paris. Eh bien ! ma chère, il n’y aura guère que moi, la fille du maire, qui n’aurai pas une toilette neuve. C’est une humiliation que je ne puis pas accepter : j’en pleure de chagrin.

« J’ai représenté à mon père la cruauté de ma situation ; mais il s’est refusé à la comprendre. Il prétend qu’il n’a pas d’argent ; cependant il sait bien en trouver pour autre chose ; ce n’est pas la première fois que je m’aperçois de son injustice, et j’en ai le cœur brisé. Si je m’en croyais, je renoncerais à tout et refuserais d’assister à ce bal ; mais je dois à mes parents, malgré leur dureté, de ne pas faire de scandale et de renfermer mes douleurs sous un air riant.

« Seulement, je ne puis décidément pas paraître