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ment et gravement un morceau d’Haydn, autour duquel ensuite elle versa d’inspiration des mélodies inédites, fraiches comme des fleurs battues par une ondée de printemps.

Ces notes, qui par la fenêtre ouverte, passionnées et sonores, s’envolaient au ciel, la soulageaient comme des larmes ; elle joua longtemps ainsi ; puis, fortifiée, elle se releva tout à coup par un chant vif et brillant, plein d’affirmation et d’espoir. Alors, les mains de la jeune artiste quittèrent l’instrument, et elle alla s’accouder sur la fenêtre pour jouir de la belle lumière épanchée dehors.

Elle faillit jeter un cri. Un homme, coiffé d’un chapeau rond, était adossé contre un arbre, en face. Il avait la main sur con cœur, la tête penchée sur sa poitrine ; un chien se tenait couché à ses pieds. Enfin il releva la tête assez lentement, et tout à coup – peut-être venait-il d’apercevoir Cécile, — se retournant d’un mouvement brusque, il disparut. Cécile avait reconnu Louis de Pontvigail.

« Que vient faire ici ce pauvre sauvage ? se demanda-t-elle. Écouter mon piano, ce n’est pas douteux. Il aura passé là par hasard un soir que je jouais ou chantais, et, pour une organisation si impressionnable et si exalté, la musique aura dû être une révélation, une extase ! – Tant mieux, se dit-elle un moment après, mes rêveries musicales serviront à quelque chose, et je tâcherai de lui faire du bien.