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sente, si quelque choc survient, tout en eux est ébranlé ; la règle qu’ils ont suivie sans savoir pourquoi, par seul intérêt de paix et de convenance, et qui n’a point en eux de vraies racines, cède à des intérêts plus intimes et plus puissants, et l’instinct seul dès lors règne en maître. Il n’y a de véritable sécurité, comme de moralité vraie, que dans la liberté de l’être appelé à se gouverner lui-même, et jeté dans la vie la conscience éveillée et les yeux ouverts.

Ce que Cécile découvrit en Rose fut à peu près ce qu’en savait tout le monde et ce que Rose en savait elle-même. C’était une fille de ton et de caractère convenables dans le cercle où elle vivait. On ne lui reprochait rien, si ce n’est, les gens de sa classe, d’être fière, et les bourgeois de prétendre s’égaler à eux. Elle avait l’esprit souple, une intelligence assez pénétrante. Ses beaux yeux gris, pleins de feux, les changeantes colorations de son teint, annonçaient une âme facilement impressionnée ; mais sous quelles influences ? Peut-être en était-il de secrètes ? Mais l’adoration de ce qui brille, le respect de la richesse et le goût du luxe paraissaient être les principales préoccupations de Rose.

Elle ne s’en cachait point, par la seule raison que personne autour d’elle ne s’en cachait et que c’était l’opinion commune. Cécile, en effet, reconnaissait de plus en plus que s’il existe un centre où règne la simplicité des mœurs et des habitudes et où l’on soit apprécié pour son mérite personnel, ce centre n’est point le village. La jeune Parisienne, au contraire, se disait que c’est là peut-être où l’admiration, plus