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fit donc une visite aux Deschamps et engagea Rose à venir aux Grolles tous les dimanches, en compagnie de la famille Darbault. Une petite fête hebdomadaire fut ainsi organisée ; après le dîner, on dansait au piano. De plus, Mlle Marlotte prit Rose comme ouvrière un jour par semaine ; et ce jour-là, travaillant avec elle et la faisant causer, elle s’efforçait de pénétrer son caractère.

Il y a généralement deux êtres dans chacun de nous, — deux tout au moins, dans ce composé d’innéités, d’aptitudes et d’aspirations, qui a ses attaches sur chaque point de l’univers, — celui que nous sommes et celui que nous voulons être. Presque identiques chez les âmes sincères, ils marchent ensemble, l’un attirant l’autre dans la voie de son idéal ; mais chez beaucoup ils diffèrent, quelque-fois à l’extrême, et c’est cette hypocrisie, naïve ou consciente, dont il faut lever le masque, afin de pouvoir apprécier la donnée véritable d’un caractère et le parti qu’il prendra dans les circonstances graves de la vie.

Bien souvent, et surtout dans la jeunesse, les passions dorment, inconnues encore à l’être qui les recèle. Refoulé par les prescriptions officielles, l’instinct, tapi tout au fond, se tait, laissant éclater au dehors le vernis des choses apprises. Aussi les êtres les plus difficiles à connaître sont-ils ceux qui, peu réfléchis, vivent également en dehors du raisonnement et de l’instinct. Ceux-là renferment pour eux-mêmes et pour les autres tous les périls de l’inconnu.

Ils peuvent marcher longtemps sans achoppement sur la route battue ; mais si quelque embarras se pré-