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bien loin d’être une paysanne ; mais l’habitude qu’elle a de vivre ici, dans ce milieu rustique, est pour moi un charme de plus et une garantie. N’est-il pas plus sage de vivre ici que d’aller achever notre ruine là-bas ? J’aime cent fois mieux renoncer au monde que de ne pas y être à ma place. Je garderai des rapports avec lui… de loin. Je travaillerai en étant heureux. Voyons, à quelle fille bien née et bien élevée, à quelle gracieuse Parisienne de notre monde veux-tu que je propose le séjour des Grolles, augmenté des avantages de ma pauvreté ? Ne vois-tu pas que je raisonne comme un sage, moi que tu accuses probablement d’être fou ? Chère petite sœur, il faudra que tu l’aimes aussi ; tu sais que nous ne pourrions pas être heureux sans toi ?

— Je l’aimerai certainement si elle doit faire ton bonheur, dit Cécile avec effort ; mais, je t’avoue… je ne sais… il me semble que tu l’aimes surtout parce qu’elle est belle ; car sous d’autres rapports es-tu bien sûr de trouver en elle de quoi l’aimer toujours ?

— Parce qu’elle n’a pas été élevée dans un pensionnat ! s’écria Lucien avec dépit. Eh bien ! moi, c’est ce qui m’en plaît. Elle sort ainsi, Dieu merci ! du convenu, du faux, de l’absurde et de toutes les niaiseries qui règnent. Quant à l’instruction qu’elle a en moins, ça ne vaut pas la peine d’en parler, et quant aux manières, il suffira qu’elle vive quelque temps avec toi pour joindre à sa franche allure… un peu plus de souplesse peut-être. Qu’est-ce que cela me fait ? Je l’aime telle qu’elle est. Je ne lui donnerais pas deux mois de séjour à Paris pour devenir une