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dépens de la conscience mais encore le respect et la sécurité qu’inspire une âme droite sont, malgré tout, des sentiments doux au cœur de l’homme et sur lesquels on aime, au moins quelquefois, à se reposer.

Veuf depuis longtemps, M. Marlotte laissait orphelins un fils et une fille, âgés, l’une de vingt ans, l’autre de vingt-cinq. Lucien Marlotte, repoussant toute autre carrière, s’était voué à la peinture : au dernier Salon, il avait exposé deux tableaux de genre qu’un de ses amis, avait critiqués assez vivement, qu’un autre avait très-chaudement défendus, et devant lesquels la foule, injuste ou non, passait indifférente.

Ce n’était pas sans regret que M. Marlotte avait vu son fils choisir la carrière d’artiste, peu sûre, pensait-il, pour son avenir ; mais la vocation de Lucien était si bruyante, si décidée, que le père fit taire ses appréhensions. M. Marlotte n’avait que cinquante ans ; il était robuste de corps et d’esprit, et, bien que son capital fût des plus modestes, les revenus de sa place devaient lui permettre, selon toute apparence, de subvenir longtemps aux besoins de ses enfants. Les amis de Lucien parlaient de son génie. Indécis à cet égard, le conseiller s’en remit à l’événement et ne s’occupa désormais que de marier sa fille Cécile.

Un jeune avocat de province, dont les débuts à Caen avaient été brillants, et qui rêvait ces grands succès de réputation et de fortune que Paris seul peut donner, demanda la main de Mlle Marlotte et l’obtint. On achetait la corbeille, quand, un soir, à