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laissait échapper des gémissements ; Lilia posait, à grand renfort d’expressions romantiques, devant chaque point de vue, et toutes les deux enfin, sauf ces parenthèses, s’obstinaient à ne point quitter le sujet de l’ameublement des Grolles, à propos duquel elles faisaient à qui mieux mieux l’étalage de leur goût et de leur savoir.

Tout ce bourdonnement de choses vulgaires chassait devant lui le beau silence, la puissante sérénité, toutes les grandes idéalités que Cécile une première fois avait rencontrées dans ce lieu, et il lui semblait voir sous les voûtes, entre les arbres, s’enfuir de grandes expressions sans forme, âme indécise de la nature, source où nous puisons nos rêveries, et, pour une part au moins, nos idées et nos facultés.

Agacée par la contradiction de ses propres pensées et de celles de son entourage, Cécile restait silencieuse et voyait sans y penser le bois s’assombrir, quand tout à coup une grande lumière illumina tout devant elle. Un coup de tonnerre, presque immédiat, retentit, et toutes les feuilles se mirent à chuchoter entre elles, frémissantes.

Lilia devint pâle, Agathe s’écria, et Jeanne, inquiète, regardant ses trois guides tour à tour, hésitait à prendre un parti, quand Cécile, en la fixant, partit d’un éclat de rire. L’anxiété nerveuse de la petite, n’attendait qu’un signal ; elle se mit à rire aussi.

« Vous nous porterez malheur, » murmura Lilia, dont les paroles, heureusement, se perdirent dans le bruit d’un nouveau coup de tonnerre.