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nous, mais il ne se sentait pas compris comme il faut, et voyait bien que nous y mettions de la complaisance. Aussi, comme son camarade n’avait pas le temps de venir chez lui, il alla chez son camarade. C’était seulement pour causer, il n’y faisait aucune dépense ; mais l’Africain (on le nommait ainsi au village) étant bon enfant, servait volontiers un doigt de liqueur ou une demi-tasse à son vieux de la vieille, comme il appelait Galéron. Quand il n’y avait pas trop de monde, les deux amis s’accoudaient, avec tous leurs souvenirs, de chaque côté d’une petite table, et alors commençaient : défilés, marches, contre-marches, feux de file et de peloton, jusqu’à quelque beau fait d’armes, où l’on s’embrassait l’œil en pleurs. La cafetière était tout ébahie de tant de gloire, et les paysans qui se trouvaient là écoutaient bouche béante, et se regardaient ensuite, d’un air d’enthousiasme, n’ayant jamais cru que ce fût si beau. Un tambour qui eût passé eût rallié tout le monde.