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— Je n’avais que dix ans alors, reprit Suzanne, mais enfin ça me fit mal d’entendre dire qu’un meurtre était une action généreuse, et que Dieu en avait été si content. Je me rappelle que je fermai le livre très-fort en m’écriant : « C’est très-mal, cela ! » La sœur Sainte-Angèle m’ayant demandé ce que j’avais, je le lui dis ; et comme, en même temps, j’osai prétendre que le Dieu des Juifs ne pouvait pas être le même que le bon Dieu, elle se fâcha, leva les mains au ciel en s’écriant que j’étais possédée du démon, fit mettre toutes les élèves à genoux, la face contre terre et leurs doigts dans les oreilles, et, me frappant rudement, me poussa dans l’escalier de la cave, où il faisait humide et froid. J’y restai toute la journée, et le lendemain je toussais si fort que ma mère me garda huit jours chez nous. Aussi ne fus-je pas fâchée de tout cela.

M. Alfénor rit beaucoup de cette histoire, et plaisanta fort agréablement sur le mérite