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— Ne refusez pas, signor ! ce serait lui faire affront.

Rappelé au sentiment des convenances sardes, j’adressai alors à don Antonio des excuses et des compliments qui valaient une acceptation. Il le comprit ainsi, dit au conducteur quelques mots, qui me semblèrent un ordre relatif à mes bagages, et reprenant subitement les manières courtoises d’un hôte, d’un fort grand air qui ne laissait pas de me surprendre chez ce demi-sauvage vêtu de peaux, il me prit la main pour me sortir de l’encombrement où nous étions, et me mettre dans le chemin de sa demeure.

Nous marchâmes alors côte à côte, silencieusement, dans des ruelles sales et mal pavées, bordées de petites maisons, bâties en granit, couvertes de tuiles et non crépies, dont beaucoup n’avaient pas d’étage, dont la plupart se cachaient au fond de cours encombrées de bois, de chars, d’ustensiles. Cependant, il n’y avait guère de fenêtres d’étage qui n’eussent leur balcon, orné de vieux pots cassés, contenant des basilics ou autres plantes aromatiques. Nous passâmes près d’un grand édifice arrondi ; à fenêtres grillées, que mon hôte me montra en prononçant le mot prigione (prison) ; et je ne pus m’empêcher de trouver cette prison bien grande pour ce village. Toutefois, si les maisons généralement, étaient petites et laides, elles étaient, du moins, fort nombreuses, car nous nous marchâmes longtemps. Cette prétendue ville de Nuoro me semblait tout bonnement une agglomération de villages. En revanche, j’étais frappé du costume extrêmement pittoresque de toute cette population ; celui des petits garçons, mi-parti rouge et bleu, les faisait ressembler, — à part la fraicheur du vêtement et du linge, — à des pages de je ne sais quelle cour du moyen âge.

Quand don Antonio s’arrêta, nous étions à une extrémité de Nuoro, devant la porte d’une cour, au fond de laquelle je vis une maison assez grande, élevée d’un étage et pourvue de jolis balcons de fer aux fenê-