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fantôme dans la rue, en tenant par la bride votre cheval ?

Pietro de Murgia lança sur moi un regard féroce qui, semblable à une lame de poignard, visait le cœur.

— Vous avez rêvé, me dit-il brutalement.

— Je suis sûr de ne pas avoir rêvé. Que ce fût vous, ou un autre, je n’en suis pas absolument certain ; mais c’était du moins un homme qui tenait à n’être ni vu ni entendu, car les fers du cheval ne frappaient pas le pavé ; il m’a semblé qu’ils étaient entourés de linge.

— Ne dites donc pas ces folies ! reprit Pietro.

Il était devenu rouge, et sa main tordait convulsivement la poignée de sa dagué.

— Vous vous serez trompé ! me dit Nieddu en me serrant furtivement le bras, tandis que son regard ami, fixé sur le mien, m’engageait fortement au silence.

— Après tout, dis-je en souriant, les expéditions amoureuses et nocturnes de ce pays ne me regardent pas.

— Évidemment ! dit Pietro avec empressement, comme si mon explication du fait lui est été agréable, — il faut fermer les yeux sur les mystères d’amour ; vous aujourd’hui, moi demain. Et je vous engage à ne pas parler de cela ! ajouta-t-il d’un air presque menaçant. Puis, se ravisant : Seulement ce n’était pas moi.

— Admettons que ce n’était pas vous, répondis-je.

En ce moment arrivait la diligence de Macomer. Elle s’arrêta non loin de nous et tout à coup je vis les gens courir et s’amasser autour d’elle.

— Qu’est-ce que cela peut être ? dit très-haut Pietro de Murgia.

Nous y allâmes ; on poussait des exclamations ; les femmes gémissaient et levaient les mains au ciel. Je ne sais quoi ma frappa au cœur, me disant, avant la pensée, que ce malheur était pour nous. La voiture s’ouvrit, un vieillard en descendit ;