Page:Leo - Grazia.djvu/86

Cette page n’a pas encore été corrigée


IV

J’étais revenu plein d’une sorte de rage contre mon malheureux ami. Voilà ce qu’avaient obtenu ses lenteurs et ses romanesques rêveries ! Voilà que sert de rêver au lieu d’agir ! Que n’avait-il fait sa demande huit jours plus tôt ? Que faisait-il en ce moment même ? Il s’attardait sans doute à vanter à son oncle les charmes de Grazia, quand Grazia lui échappait pour toujours ! Et je m’en prenais à cette race du Midi, à la fois si fougueuse et si nonchalante. Il allait maintenant se désespérer, songer peut-être au suicide, quand avec un peu plus de décision et d’activité, sans doute, il aurait pu être heureux.

Au fond, cependant, je ne pouvais m’empêcher d’être inquiet d’Effisio, et quand je l’accusais avec tant d’irritation, c’était aussi pour me rassurer. Emporté par son désir d’aller plus vite, n’avait-il pas roulé dans quelque précipice, la nuit ? Vers trois heures de l’après-midi, ce fut décidément l’inquiétude qui l’emporta et je communiquai mes craintes à Nieddu et à Pietro de Murgia, que je rencontrai se promenant ensemble. Ils sourirent et me raillèrent un peu. Effisio s’était arrêté, pour une cause ou pour une autre, voilà tout. Mais tout le long du chemin de Nuoro à Silanus, c’était la grande route à suivre ; il n’y avait pas le moindre danger.

— Et qu’allait-il faire à Silanus ? me dit de Murgia, d’un air inquisiteur qui me déplut.

— Voir son oncle malade, répondis-je.

— Eh bien ! il sera resté à le soigner, c’est tout simple.

Il me disait cela d’un air méchant, un peu étrange.

— À propos, répliquai-je avec l’intention de lui être désagréable, vous aussi vous voyagez la nuit, il me semble ? N’est-ce pas vous que j’ai vu ce matin glisser comme un