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détachant du groupe, elle vint droit à nous.

Sans doute, c’était une audace inusitée ; car le visage d’Effisio marqua une vive surprise, et Grazia marchait oppressée, les yeux baissés, comme une personne qui accomplit un acte extraordinaire. On la regardait. Arrivée près de nous, elle prit aussitôt la parole. en italien, et feignant de s’adresser à moi, mais les yeux toujours baissés :

— Antioco Tolugheddu vient de m’avertir qu’il allait me demander en mariage ; il est riche, mon père consentira !

Ayant dit ces mots, son regard glissa sous ses paupières jusqu’à Effisio, puis elle ferma les yeux, perdit la respiration et chancela. Elle semblait près de s’évanouir, et pourtant : la rose de la pudeur empourprait ses joues. Jamais je ne vis fille plus charmante. Effisio était éperdu.

— J’irai dès demain ! répondit-il, merci ! oh ! merci, Grazia !

Déjà, elle s’éloignait, et nous la vîmes, de son air décent et doux, se réfugier dans le groupe des autres filles. Me prenant par le bras, Effisio m’emmena à l’écart.

— Oh ! mon ami ! me dit-il, qu’elle est bonne et grande ! N’est-ce pas un être divin ? Je n’avais pas encore osé lui dire que je l’aime ; j’ai été niais, lâche, tout à l’heure, tandis qu’elle est venue là, devant vous… tout dire… afin de nous sauver… s’il se peut !… Ah ! ce Toluggheddu ! ce vantard ! un imbécile ! un garçon qui a couru les femmes de mauvaise vie et qui ose !… Il faut que je le devance !… Dès ce soir, je cours à Silanus, j’en ramène mon oncle, et demain, avant midi…

— À votre place, je parlerais tout de suite ; ce serait plus sûr.

— Impossible ! Je vous l’ai dit, je crains déjà trop d’être refusé. Mon oncle est ami de don Antonio ; il parle bien et fera valoir le peu que je vaux.

Il ne tenait plus en place ; il aurait voulu partir de suite ; il voulait remercier Grazia,