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amours, je regardais la danse et lorgnais du coin de l’œil mes deux amis. Grazia baissait les yeux ; Effisio paraissait ravi ; mais, à ce qu’il me sembla, trop ému pour oser parler. Les mains unies, occupés à cacher leur émotion à ceux qui les entouraient, je les voyais absorbés dans une sorte de béatitude, et ils se laissaient emporter au mouvement frénétique des autres danseurs, sans savoir ce qu’ils faisaient.

— Ce soir, me dis-je, il y a toute apparence que nous ne serons pas plus avancés que ce matin.

La danse finit en effet, sans qu’Effisio ni Grazia eussent, à quelques mots près, ouvert la bouche ; puis, les filles allèrent d’un côté, les garçons d’un autre, selon la coutume ; il y avait une demi-heure d’intervalle entre les danses pour laisser reposer le zampognatore. Quand le bal recommença, je vis Antioco saisir la main de Grazia. Il était venu d’Oliena pour cela, et décidément ce n’était pas une fantaisie passagère. Que ne se hâtaient-ils donc de s’entendre en face de ce prétendant, de ce lourd richard ? Tougheddu, ma foi, ne perdait pas son temps, lui. Avec quelle hâte et quelle chaleur il parlait à Grazia ! En revanche, toute l’attitude de la jeune fille dénotait une gène extrême ; elle restait la main dans la main de Tolugheddu, ne pouvant lui faire l’affront de se retirer ; mais le doux laisser-aller dont toute sa personne était remplie avait fait place à l’effort de la contrainte, et son cou blanc, par une flexion gracieuse, plaçait aussi loin que possible son oreille des paroles de l’audacieux prétendant.

Je cherchai des yeux Raimonda, elle dansait avec Pietro de Murgia et ne regardait que Tolugheddu et Grazia, sur lesquels ses yeux lançaient des flammes. La danse finie, Grazia s’écarta vivement de son danseur et, s’arrêtant quelques instants près d’un groupe de ses compagnes, elle nous chercha du regard. Je la vis alors comme agitée d’une indécision ; puis tout à coup, se