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m’en vouloir. Un peu moins novice que la première fois, mais très inexpert encore, je fatiguais ma danseuse. J’en demandai pardon à Raimonda et ma maladresse lui arracha un sourire, qui éclaira son visage, comme un coup de soleil un paysage noir. Mais elle redevint sombre aussitôt après.

Ce jour passé, nous retombâmes dans notre solitude à deux. Effisio s’efforçait de l’animer par des courses aux environs, ayant observé et fort bien compris, que je n’étais pas venu à Nuoro pour écouter les gentillesses d’un Cesare Siotto, ou de toute autre forte tête, qui n’avaient tous d’autre idéal que de reproduire du mieux possible les usages et les opinions du continent. J’étudiais Nuoro comme base d’observation, et me proposais de parcourir ensuite la Sardaigne avec Effisio. Il avait accepté ce projet et nous devions partir en touristes sur deux jolis et doux chevaux sardes, d’un noir d’ébène et à jambes de gazelle, qu’il possédait ; mais la date du départ était restée indécise. Et comment aurais-je osé lui en parler dans la situation où il se trouvait ? Il ne pouvait quitter Nuoro que fiancé de Grazia, sur de son bonheur. Je lui disais seulement :

— Qu’attendez-vous ? faites votre demande, puisque vous êtes fort amoureux et bien décidé.

Mais, partagé entre le désir et la crainte, il hésitait. Déjà il redoutait un refus au point de n’oser l’affronter. Il m’opposait des indécisions, des motifs d’attendre. D’abord, il devait s’expliquer avec Grazia. Puis il lui fallait le concours de son oncle, résidant à plusieurs lieues de là ; car don Antonio tenait aux usages, et la demande de mariage devait être faite, non, par le jeune homme, mais par son père ou son plus proche parent.

Ainsi laissait-il les jours s’écouler, plongé dans son doux rêve, et tour à tour agité de crainte et enflammé d’espérance, il ne cherchait que les moyens de revoir Grazia. Je savais l’heure à laquelle habituellement elle