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fum lointain de l’ancienne Grèce, de poésie latine et de cours d’amour.

Tolugheddu, se piquant d’honneur, après avoir un instant cherché, répondit :

L’amitié de vos compagnes,
Ô belle ! ne vous en flattez pas,
Ce serait plutôt de la jalousie ;
Mais l’amour vous en vengera.

Bravo ! Antioco, s’écria de Ribas, en lui frappant sur l’épaule, je ne te savais pas si bon improvisateur. Allons, Grazia, réponds-lui encore, et réponds-lui bien.

Troublée par cette intervention de son père, la jeune fille hésitait et balbutiait. Une voix, qui n’était pas la sienne, alors s’éleva, et, bien que ce fut le même rhythme et le même air, la pâle et monotone mélodie s’emplit aussitôt d’accents vibrants :

    Il y a des serpents à deux langues
    Et des hommes à double face !
    Que les jeunes filles se gardent
    Des hommes faux et trompeurs !
    On se mit à rire.

— Bien ! Bravo ! Bien répondu, Raimonda ! Il faut que les filles se défendent.

Mais beaucoup souriaient avec malice. Raimonda, elle, ne souriait pas. Je crus voir Nieddu agité. Tolugheddu ne l’était pas moins, bien qu’il s’efforçât de sourire. Je ne sais qui me pria de chanter. J’acceptai, sentant le besoin d’une diversion, et je leur entonnai la Marseillaise, après avoir

    plus bizarres. Mais cependant cela est rare lorsqu’il s’agit, non de rivaux vulgaires, mais des plus célèbres de la province. Et s’ils se trompent souvent, c’est surtout sur la propriété, l’arrangement des pensées (connaissance qu’on ne peut exiger de leur complète ignorance) ; mais ils se trompent rarement sur ce qu’on peut appeler la partie matérielle de la poésie, c’est-à-dire la consonance des rimes, la cadence et l’accent des mètres. À cela leur suffit cette nature, qui a mis tant de distance entre l’épaisseur béotienne et le sel attique. (MANNO : Histoire de Sardaigne.)