Page:Leo - Grazia.djvu/68

Cette page n’a pas encore été corrigée

ches de ganses d’or et de boutons d’or ; la chemise de fine toile, attachée au col par deux énormes boutons d’or, s’épanchait, à flots d’une blancheur éblouissante, par l’ouverture des manches ; les ragas[1] étaient du plus beau drap noir, et au lieu de guêtres de drap, Antioco était chaussé de cuir fin. Avec cela, montre, chaîne d’or et breloques, indispensables à tout beau de village, de l’Océanien au Français. Enfin, le jeune Oliómais tenait à la main un gros bouquet de roses nouvelles, apportées, je n’en doutai point, à l’intention de Grazia. Tout le monde le regardait, et il jouissait de son triomphe.

— N’a-t-il pas l’air d’un cavaliere ? dit une femme près de moi.

— Ne l’est-il point ? demandai-je.

— Non, ce ne sont que des signori ; mais son père Basilio est le plus riche d’Oliena.

Je cherchai des yeux Grazia, puis Effisio. Ils se regardaient à travers leurs paupières demi-baissées et ne faisaient aucune attention à Tolugheddu. Celui-ci vint enfin, tout souriant, vers Grazia et se tint quelque temps près d’elle sans lui parler. Je voyais les yeux de Raimonda attachés sur lui, brûlants de passion et de jalousie.

Quand le chanteur à la guitare eut fini son chant, sorte de complainte, que deux accords plaqués accompagnaient tour à tour, Tolugheddu offrit son bouquet à Grazia, en lui disant sur le même air ces paroles :

    Reine de beauté parfaite,
    Acceptez la reine des fleurs ;
    Elle règne dans nos jardins
    Comme vous sur nos cœurs.

— Où diable a-t-il pris cela ? demandai-je à Effisio ; c’est du Mercure galant.

Mon ami ne comprit pas, je crois, la seconde phrase ; car il était plus homme de

  1. Les ragas sont cette espèce de culottes coupées à la naissance des cuisses, et qui, très amples, figurent une courte jupe.