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ans, elle a reçu un sort, dont elle a failli mourir et qui, tous les deux soirs, au coup de six heures, la faisait trembler de fièvre ; enfin, mille petites choses trop longues à dire. Le plus triste, c’est qu’elle a perdu son père l’an dernier, et son frère il y a longtemps, dans une rixe ; elle n’a plus que sa mère, et c’est à moi que revient le devoir de la protéger.

Il me disait tout cela d’un air simple et bon, d’un ton mélancolique, et je lui trouvais, à le regarder attentivement, une expression douce, rêveuse et fatale, qui me touchait.

— N’avez-vous point de sœur ? lui demandai-je.

— Si, j’en ai deux et un frère.

— Et peut-être une fiancée ?

— Non, répondit-il brièvement.

— Je croyais que l’on se fiançait de bonne heure ici ?

— Oui, quand le cœur a parlé.

— Et le votre serait encore muet ?… Je ne sais pourquoi, je le crois sensible.

— Eh ! cela se peut, me répondit-il en soupirant ; mais d’un air à n’en pas vouloir dire davantage.

En ce moment, un joueur de guitare, s’asseyant près du cercle des femmes, se mit à chanter en s’accompagnant, tandis que les garçons, dont quelques-uns avaient des fleurs à la main et au justaucorps, tournaient autour d’elles, parlant à celle-ci ou à celle-là. J’en remarquai un, d’une taille particulièrement élevée, et pleine d’élégance, qui parlait à Grazia avec animation et des intentions marquées de galanterie ; sa figure, quoique assez belle, ne me plut pas ; elle avait une expression flottante, au premier abord indéfinissable, qui me parut un mélange d’audace et de ruse ; d’ailleurs, une chevelure magnifique, d’un noir éclatant, qui s’échappait hors du bonnet noir ; des yeux, à ce moment, d’une douceur presque langoureuse mais que peu après je surpris pleins de dureté ; des manières à la fois plus cultivées et