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ges ; les femmes âgées, ou se tenaient à part avec dona Francesca, occupée à préparer le repas, ou bien étaient restées à la maison. Assurément, il y avait dans ce triage, imposé par la coutume, un sens artistique, la volonté de former un joli tableau. Et le tableau était réussi. Plus ou moins belles, plus ou moins intéressantes de physionomie, toutes avaient l’éclat de la jeunesse, et dans les yeux l’éclair de la coquetterie ou l’émoi de la pudeur. Les propos joyeux s’échangeaient, les lèvres riaient. Je vis Raimonda, moins sombre que le jour du 1er mai, parlant avec animation à l’une de ses compagnes, et j’admirai de nouveau l’expression passionnée de son visage. Que disait-elle ? La plus simple chose sans doute, et pourtant, émanation involontaire d’un feu intérieur, c’était une intonation vibrante et des regards pleins de feu.

Quand Nieddu s’approcha d’elle, il fut accueilli par un sourire, qui découvrit une rangée de dents éblouissantes, et, à l’air dont elle lui parla, je vis qu’il devait être son parent ou son ami.

Fedèle Nieddu était ce jeune improvisateur qui, le 1er mai, à la requête de Grea, m’avait adressé un compliment en vers. Il parlait l’italien, et, dès son entrée, était venu me serrer la main. Je lui parlai de Raimonda.

— C’est ma cousine, me dit-il, une bonne fille et un grand cœur ; mais elle a le mauvais sort.

— Comment cela ?

— Oui, tout se tourne à mal contre elle let rien ne lui réussit. Il y en a qui naissent ainsi. Généralement, dans notre famille, on n’est pas heureux.

— Si jeune ! Quel malheur peut-elle avoir éprouvé ? Elle a au plus vingt ans.

— Dix-neuf seulement, d’avril dernier. Le jour de sa naissance, la maison de son père a été dévalisée par les bandits, qui ont enlevé une grosse somme, et jamais la famille ne s’est relevée de ça. Plus tard, la maladie s’est mise dans leur troupeau. De quatorze à seize