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sur ces rochers mêmes, la vigne pouvait croître, et je pensais à ces escarpements des Alpes, où le vigneron suisse a porté et fixé la terre, à ces champs de la Beauce, océan d’or des moissons, à ces prés lombards, fauchés toute l’année, tandis que je parcourais des champs d’orge et de froment clair-semés, qui en France eussent à peine valu les frais de la récolte ; des prés pelés, atteints au cœur par la dent des moutons ; des vignes mal plantées, mal travaillées et mal taillées, dont on ne remplaçait pas même les ceps manquants ; des bois réduits aux vieux troncs de cent, années, où le pâturage avait dévoré vingt coupes en germe, et qui s’en allaient, rechignés et attristés, vieillards sans postérité. Au plus près du village, se voyaient quelques champs de fèves, de pois et de lentilles, mêlés d’herbes sauvages ; le jardin n’était qu’un fouillis de plantes parasites, au milieu desquelles étouffaient quelques choux et quelques salades et où s’élevaient trois cerisiers, seuls arbres à fruit de tout le domaine. Sous le hangar, je vis l’instrument de labour ; c’était le vieil araire romain, tel que l’avait vu Pline ; une sorte de gros clou bon à gratter la terre, non à la fouiller profondément. Et pour une telle exploitation, un seul char, frère et contemporain de la charrue, le petit char triangulaire à roues pleines.

— Mais, dis je à Effisio, tout ceci est l’enfance de l’agriculture à un point inimaginable, à vingt siècles dans le passé ! Vous avez vu ce qu’elle est en France ; je vous ai entendu vous émerveiller sur la richesse de nos campagnes. Que n’essayez-vous d’améliorer ?

Il haussa les épaules.

— Comment faire ? Je n’ai point de connaissances spéciales.

— Il n’en faut guère pour améliorer simplement un état si désastreux. Je ne vous demande pas de faire de l’agriculture scientifique, mais seulement celle de nos paysans français ; avoir une charrue qui remue le sol, des roues à jantes, qui tournent sans gémir