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de meilleurs moyens d’éducation ; il ne put s’empêcher de sourire.

— Au moins, lui dis-je, ne comprenez-vous pas qu’on ne doit jamais frapper étant en colère ; car alors on ne connait pas de mesure et l’on risque de donner un coup dangereux.

— Non, non, me répondit-il, soyez tranquille ! D’ailleurs ça me regarde, puisque l’enfant est à moi.

Cet homme là, très-babillard, ne connaissait pas une lettre de l’alphabet, et ses enfants, qui se roulaient tout le jour dans la poussière, n’avaient pas le temps, me dit-il, d’aller à l’école. Le fond de l’affaire, c’est qu’il les voulait sous sa main pour les commander. Je fis honte à Effisio de son insouciance à cet égard, car il avait l’influence du maître, et, à la louange du gouvernement italien, l’école est partout gratuite. Grâce à moi, deux des enfants de Cabizadu y furent envoyés, mais contre le gré de leurs parents, et il n’est pas certain qu’ils soient arrivés au bout de l’abécédaire.

Ignorance, misère, là comme ailleurs, le couple y était. Je les voyais prendre leur repas. Ils n’avaient autre chose que ce pain grossier, fait de la dernière qualité de farine, que les Sardes de la Gallera étendent en minces galettes ou plutôt en feuilles légères, et auquel suffit la moindre cuisson. Ils l’appellent, je ne sais pourquoi, papier à musique (carta di musica), et mangent ces feuilles minces, qui se conservent pendant des mois, quelquefois avec du mauvais fromage, d’autres fois en les arrosant d’un peu d’eau. La viande d’agneau, — à la vérité fort mauvaise, — se vend un sou l’hectogramme ; mais ils sont trop pauvres pour en acheter.

Dès qu’il n’y eut plus moyen de voir Grazia, Effisio me fit parcourir les environs et me promena à cheval sur ses domaines. Cet homme pauvre possédait plus de deux cents hectares de champs, de vignes et de bois. Ajoutons pour la vérité, pas mal de rochers, répandus sur tout cet espace. Mais