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attentif de l’intérieur de sa chemise et de son bonnet ; la grand’mère déposant sa quenouille, puis sa chemise — les chemises des Norésiennes sont en deux morceaux, une camisole continuée par une jupe — se livrait à la même occupation. Les grands, ceux qui travaillaient peu ou prou, n’avaient pas le temps d’être si soigneux, et c’était seulement le dimanche matin qu’avait lieu une scène de famille vraiment touchante :

Père ou mère, frère ou sœur, chacun posait la tête sur les genoux d’un des siens et la chasse aux parasites commençait. J’aimais ce moment, non pour la vue mais parce qu’il versait dans les âmes une douce tranquillité ; plus de ces glapissements, de ces criailleries, de ce jurements, qui à tout moment retentissaient : il n’y avait plus qu’harmonie et fraternité.

Ce qui me faisait mal, c’était la brutalité des grands vis-à-vis des petits. Si la civilisation veut être incontestable, il faut qu’elle défende partout les faibles contre l’abus, hélas ! trop naturel, de la force dans les sociétés primitives.

Non-seulement les parents, en Sardaigne, généralement, battent leurs enfants sans pitié et les accablent de fardeaux ; mais tout adulte se permet de battre l’enfant d’un autre et de le commander. Une fois sorti des langes, l’enfant devient une chose vile et corvéable à merci. Même brutalité pour les animaux domestiques, si humbles et si doux. Que les bêtes aient des besoins ou des souffrances, et par conséquent des droits, cette idée-là, j’en jurerais, n’a jamais pénétré sous le bonnet noir du Sarde. Il n’y avait pas deux jours que j’étais la lorsque Cabizudu, battant son enfant avec colère et à plusieurs reprises, je l’apostrophai vivement. L’étonnement de cet homme fut immense.

— Comment, il trouve mauvais qu’un père batte son enfant ! D’où peut venir ce signor ? Est-il fou ?

Ses yeux me dirent cela plus que sa bouche. J’essayai de lui persuader qu’il y avait